Bienvenue Sœur Yvonne!


Si la présentation officielle est maintenant faite, si le visage et le sourire de Sœur Yvonne Le Gall nous sont maintenant familiers, « Souffle Nouveau » s’en est allé à sa rencontre afin de mieux faire connaissance. Si sa tête et son cœur sont encore pleins de son vécu récent, de sa mission de trois années où elle était responsable de la maison mère à Saint-Jacut-les-Pins, elle a accepté bien volontiers de nous dévoiler son parcours.
Annie Robert : Sœur Yvonne, comme la majorité de vos Sœurs, nous vous savons Bretonne de naissance…
Sœur Yvonne Le Gall : Oui, je suis née en 1938 à Lanarvily dans le Finistère. Je suis la 12e enfant d’une famille de 13. J’ai grandi dans un milieu croyant et ma scolarité s’est déroulée chez les Sœurs du Sacré-Cœur. Je garde le souvenir d’une maman très forte dans les épreuves ; elle puisait certainement cette force dans sa foi. Ma sœur aînée la secondait beaucoup, elle a été une seconde maman pour la fratrie.
A. R. : Quand est née votre vocation ?
S. Y. : Vers l’âge de 10 ans, j’ai commencé à me sentir appelée à la vie religieuse. Les témoignages des religieuses qui nous éduquaient m’ont beaucoup marquée. Je suis donc entrée au juvénat à l’âge de 14 ans et au noviciat à 18 ans. J’ai prononcé mes premiers vœux à 21 ans.
A. R. : Vous aviez choisi une orientation professionnelle ?
S. Y. : Il me tardait de devenir active. J’aimais les activités manuelles, et l’éducation ménagère m’avait attirée. Il faut dire que j’ai un peu bâclé mes études et je me suis orientée dans cette voie. Après divers postes, on a constaté que j’avais de réelles facultés d’adaptation. J’ai été envoyée à Belle-Ile-en-Mer, où j’ai œuvré dans le milieu éducatif. J’aimais ce contact avec les enfants et l’infirmerie était mon lieu de prédilection. C’est là que mes supérieures m’ont vivement conseillé de reprendre des études pour devenir infirmière, ce que j’ai fait durant deux ans à Vannes. J’avais alors 32 ans. A la suite de cela, on m’a envoyé faire un stage de trois mois à la clinique du Sacré-Cœur de Vannes, au bloc opératoire. Non seulement on m’a gardée, mais je suis devenue responsable du service et cela a duré 25 ans !
A. R. : Un beau métier !
S. Y. : Oui, j’ai beaucoup aimé ce travail qui demande une formation permanente, et surtout la vie en équipe, la convivialité, les rapports avec les collègues. Nous avons de grandes responsabilités et nous les gérons ensemble, toujours tournés vers ceux qui nous confient leur santé.
A. R. : L’heure de la retraite a sonné…
S. Y. : Oui, j’aurais pu continuer jusqu’à 65 ans, je ne me sentais pas usée, mais je savais que des jeunes avaient besoin de travail, j’ai donc fait le choix de laisser la place disponible.
A. R. : Pas trop difficile de se retrouver sur la touche ?
S. Y. : J’avais librement choisi et ma congrégation m’a offert la possibilité de faire une année d’études de théologie à Paris. Quelle chance ! Ça a été passionnant et riche !
Ensuite, j’ai été appelée à Avon, dans une petite communauté de 4 Sœurs, près de Fontainebleau. Une grande partie de mon apostolat a été consacré aux malades de l’hôpital de Fontainebleau. J’y ai rejoint une association « Les Aînés de l’Hôpital » qui regroupait 15 bénévoles réguliers (hommes et femmes). Deux fois par semaine, nous faisions nos visites en binôme.
A. R. : Après avoir soigné les corps, vous avez soigné les cœurs ?
S. Y. : C’est un peu ça. Là, j’ai retrouvé cette convivialité, ce partage autour d’un café, avec les bénévoles. Nous prenions du temps pour échanger sur les joies et les difficultés que nous avions rencontrées.
Ensuite, j’ai retrouvé une communauté de trois Sœurs, à Corvol-l’Orgueilleux, dans la Nièvre, une petite commune de 800 habitants. Là encore, j’ai visité les malades à l’hôpital de Clamecy et les personnes âgées isolées à leur domicile. Mais cette fois, j’étais seule, faisant de mon mieux pour épauler le diacre, plus très jeune, dans sa mission d’aumônier de l’hôpital.
Devoir partir et fermer la maison a été un réel crève-cœur. La présence des Sœurs étant la dernière présence chrétienne dans ce village. Les gens étaient désolés par ce départ.
A. R. : C’est là que s’est fait le rappel à la maison mère ?
S. Y. : Oui, j’ai accepté la responsabilité pour une mission de trois ans. La maison héberge 97 Sœurs dont 60 âgées ou très âgées avec tout ce que cela comporte de charges et d’attentions. Mais ne croyez pas que la maison mère soit une maison de retraite ! Il s’y passe énormément de choses dans bien des domaines. Nous recevons des groupes de convivialité. Ont lieu des ateliers de réflexion dans bien des domaines, tant vers les jeunes que vers les aînés.
La présence et le soutien de nos « chrétiens associés », qui font vivre le charisme d’Angélique Le Sourd, notre fondatrice, est quelque chose de précieux. La mission est toujours devant nous et mobilise nos énergies.
A. R. : La vie à Jonzac va sans doute être plus calme. Avez-vous des projets ?
S. Y. : Par essence, la vie d’une religieuse est de répondre à des appels… Je sais que le SEM ne boudera pas mon expérience en ce domaine. Je compte sur mes Sœurs pour me faire rencontrer des personnes âgées ou isolées qui seront heureuses de ma visite. Donner du temps pour la permanence d’accueil au presbytère… Je verrai ce qui se présentera.
A. R. : Ma Sœur, vous le savez, vous êtes la bienvenue chez nous, nous sommes conscients que votre vie de religieuse, malgré les facultés d’adaptation dont vous parlez, est faite de transplantations successives, donc d’arrachements : à chaque fois, vous devez laisser derrière vous les amis, les liens fraternels que vous avez noués…
De tout cœur, nous vous souhaitons un bon et profond enracinement en terre de Saintonge. Puissiez-vous y vivre heureuse !

Interview parue dans le journal Souffle Nouveau n° 300

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