La fondation de la Congrégation des Filles de la Sagesse date de 1703. Elle est l’œuvre du Père Louis-Marie Grignon de Montfort, cofondateur avec Marie-Louise Trichet, religieuse. Cette congrégation se voit confier la charge d’assurer l’instruction aux enfants déshérités et des soins aux plus pauvres.
Reconnue par un décret impérial en 1811, la Congrégation s’installe à Jonzac en 1828 à la demande de Jacques Blanc Fontenille, Maire de la ville, qui souhaite apporter une aide aux malades et aux indigents de la ville. Les « sœurs grises » - appelées ainsi en référence à leur vêtement - apportent tout d’abord secours à domicile, avant d’être chargées de l’instruction des cours primaires donnés aux petites filles indigentes. Vers 1860, la ville disposant d’une salle d’asile gratuite (située à l’emplacement de l’actuelle « Pizzéria Pinocchio », rue des Carmes), confie la totalité des classes de l’école communale aux sœurs de la Sagesse. Cette situation dura jusqu’en 1881.

Une intégration réussie à Jonzac

En plus de leurs activités gratuites pour la ville de Jonzac, les religieuses tiennent un pensionnat privé et payant dans leurs locaux situés, à l’époque, dans l’ancien Hôtel de la Poste de la Grand’rue (devenue rue Sadi Carnot en 1893). Les sœurs voient leurs efforts récompensés tant par l’instruction dispensée aux jeunes filles que par les soins apportés à la population locale.
Avec l’aide de la Fabrique - ancêtre du Conseil économique paroissial - et en bénéficiant de legs et de dons, la Sagesse s’agrandit par des achats immobiliers. Dans les années 1870, les religieuses quittent leurs locaux devenus trop exigus pour s’installer dans un autre lieu de la Rue Sadi Carnot, occupé à ce jour par l’antenne des Archives départementales et le siège de la Communauté de Communes de Haute-Saintonge.

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La Chapelle de la Sagesse, construite vers 1879, fédère toutes les énergies pour le développement de l’enseignement à Jonzac. Cependant, suite à la volonté de la municipalité jonzacaise de laïciser le corps enseignant de l’école publique qu’elle souhaite rendre gratuite pour tous, les religieuses réagissent en ouvrant également de nouveaux cours gratuits, rue Sadi Carnot. La concurrence tourne rapidement à l’avantage des sœurs qui voient augmenter leurs effectifs au détriment de l’école publique. Cette première querelle avec la municipalité républicaine jonzacaise n’est qu’un avertissement. Vingt ans plus tard, le gouvernement d’Émile Combes promulgue les lois anticléricales interdisant l’enseignement aux congrégations religieuses et les sœurs doivent abandonner leur activité d’enseignantes, entraînant un désarroi total parmi leurs élèves et aussi dans la population. Dispersées, la plupart des religieuses regagnent leur maison mère située à Saint-Laurent sur Sèvre en Vendée, seule la Mère Supérieure entourée de quelques sœurs demeure sur place pour garder les locaux dont l’institution est propriétaire. La Loi de Décembre 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État accentue le trouble subi par les religieuses de la Sagesse, privées d’une activité qu’elles avaient si bien conduite durant plusieurs dizaines d’années.

De l’éducation à l’infirmerie

Dès le début de la guerre 1914-1918, le bâtiment est réquisitionné par le gouvernement et, durant tout le conflit, la Sagesse est transformée en un hôpital pour les blessés de guerre.

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La Sagesse réquisitionnée en 1914 pour servir d’Hôpital militaire

A partir de 1919, l’Abbé Foucher, Curé-archiprêtre de Jonzac, demande que la Sagesse redevienne une école libre. Ainsi naît l’externat « Jeanne d’Arc ». Aux cours dispensés à l’école primaire et secondaire s’ajoute un jardin d’enfants en 1930. Les sœurs reviennent à leur vocation première : l’enseignement.

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Ce répit est de courte durée puisque, dès 1940, le bâtiment est une nouvelle fois réquisitionné par les Allemands qui en font le siège de la Kommandantur de sinistre mémoire. Cette situation perturbe une nouvelle fois le fonctionnement de la Sagesse. Les classes primaires conservent les locaux situés au fond du parc, où se trouve aujourd’hui la Chambre de Commerce et d’Industrie. Le pensionnat et les classes secondaires sont transférés dans des lieux « plus sûrs » au domaine de la Pérauderie sur la route de Saint-Martial de Vitaterne jusqu’en 1945-1946.
Après la Seconde Guerre mondiale, il faut procéder à la réfection de la Chapelle, incendiée en 1944 avant le départ de l’occupant allemand.

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Les travaux s’effectuent vers 1950 mais la consécration de la cloche n’intervient qu’en 1954. Lors de la cérémonie pour sa bénédiction et son installation définitive sur la toiture de la chapelle, elle est parée d’une robe en papier de crépon blanc du meilleur effet, ce qui ne manque pas d’impressionner l’assistance. Le baptême s’effectue en présence de Mgr Liagre, Évêque de La Rochelle et Saintes, et du Père Marcel Lesterlin, Curé de la Paroisse.
La cloche est baptisée « Marie-Adeline » en souvenir du prénom de la Mère Supérieure de l’époque. Sa marraine, Mme Jeanne Coutin, fut probablement l’une des bienfaitrices du lieu.

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Installation de la cloche (1954)

Une nouvelle étape dans le développement de l’Institution

A partir de 1948, la Sagesse démarre une nouvelle phase dans son développement. Le cours primaire de l’externat « Jeanne d’Arc » fusionne avec le cours secondaire « la Sagesse » pour former l’institution « Notre Dame de la Sagesse ». Ce fut, vraisemblablement, l’époque où l’institution atteignit son plus grand rayonnement à Jonzac. Beaucoup de nos contemporaines se souviennent, non sans émotion, de l’heureux temps où elles ont accompli leur parcours scolaire dans ces locaux, aujourd’hui transformés pour d’autres fonctions.

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L’enseignement était dispensé jusqu’au baccalauréat. L’objectif était d’allier un bon niveau d’étude à une solide éducation. Aux matières classiques (lettres, latin, grec, langues, sciences) s’ajoutait l’enseignement technique (couture, broderie, solfège, gymnastique) destiné à préparer les jeunes filles à leur rôle d’épouse et de mère de famille. L’instruction religieuse occupait une place importante comme dans toute institution confessionnelle. Le catéchisme était obligatoire ainsi que le suivi de l’histoire sainte. La messe était célébrée deux fois par semaine à la Chapelle, les jeunes pensionnaires étaient tenues d’y assister ainsi qu’à la messe dominicale. Elles étaient invitées à réciter le chapelet régulièrement et à suivre le premier vendredi du mois une cérémonie en l’honneur du Saint Sacrement. En outre, les jeunes filles participaient aux processions organisées au sein de la paroisse et aux manifestations religieuses se déroulant pendant le mois de Marie (Mai).
L’établissement comptait 150 élèves dont 80 internes.

La vie au sein de l’établissement

Les religieuses, soucieuses de l’ordre au sein de l’établissement, imposaient une discipline ferme : la tenue, l’ordre, la politesse et l’exactitude étaient de rigueur. Des temps de silence étaient exigés.
Les conditions matérielles du quotidien étaient sommaires. L’ordinaire du réfectoire était élémentaire et en grande partie alimenté par le jardin potager. Il était amélioré pour les repas du dimanche et les fêtes carillonnées, mais le règlement autorisait les parents à apporter des provisions supplémentaires.
Dans les années 50, les dortoirs étaient collectifs. La toilette quotidienne était effectuée à l’eau froide et il fallut attendre l’installation de douches, quelques années plus tard, pour que les jeunes pensionnaires jouissent d’une toilette à l’eau chaude.
Il y avait une distinction entre les jeunes internes, qui retournaient chez leurs parents pour les vacances scolaires, et les externes qui, par définition, n’étaient présents dans l’établissement que durant la journée. Les premiers enviaient la liberté des seconds, même si une sortie mensuelle dans leur famille leur était accordée.

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Les jours de foire pouvaient aussi être l’occasion d’une visite d’un proche pendant la récréation ou à l’heure du déjeuner, de même une sortie était autorisée après la messe dominicale.
Pour atténuer les effets d’une vie plutôt austère, des fêtes se préparaient tout au long de l’année. Ainsi des représentations théâtrales étaient données par les jeunes filles et présentées aux familles en fin d’année. Les déguisements, les rôles à tenir comblaient de joie les pensionnaires. Pourtant les fêtes ayant le plus marqué les jeunes esprits étaient les kermesses organisées chaque année. Sur des stands, des jeux étaient proposés et des gourmandises offertes, sur un fond de chants pour entretenir l’ambiance. Toutes ces activités permettaient de recueillir un peu d’argent pour aider l’institution.

Une nouvelle orientation

Malgré tous les efforts prodigués par le personnel religieux de l’établissement, les effectifs diminuaient régulièrement au profit de l’école publique.
En 1962, il est procédé à la fermeture des classes secondaires suscitant une phase de réflexion sur le devenir de l’établissement. Les sœurs de la Sagesse, fidèles au principe d’aide apportée aux plus défavorisés, constatent qu’il n’existe pas d’établissement spécialisé pour les enfants en grande difficulté scolaire dans l’arrondissement de Jonzac. _ Elles font des démarches auprès de la Direction Départementale des Affaires sanitaires et sociales en vue d’ouvrir un Institut Médico–Pédagogique et Professionnel. Elles obtiennent un agrément provisoire et, en septembre 1965, la rentrée accueille 44 filles de 7 à 18 ans encadrées par 15 religieuses et 6 employées laïques.
L’école primaire et maternelle se tenant dans le pavillon du fond du jardin, occupé à ce jour par la chambre de commerce et d’industrie, ferme en 1967 permettant à l’IMP de se déployer sur l’ensemble des bâtiments. Les nouveaux pensionnaires trouvent à l’IMP une structure destinée à les insérer dans la vie. Les filles suivent un enseignement ménager et de couture.
A partir de 1980, après de gros travaux dans l’établissement pour s’adapter aux exigences de l’enseignement, la mixité par le recrutement fait son apparition. L’arrivée d’un personnel masculin entraîne progressivement le départ des sœurs de la Sagesse.

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Sœur Mary Lucy devant le jardin d’enfant

En 1986, les deux dernières religieuses quittent l’établissement de la rue Sadi Carnot, clôturant ainsi la présence de la congrégation religieuse de la Sagesse à Jonzac depuis 150 ans.
En 1997, les locaux devenus vétustes et ne correspondant plus aux normes de sécurité en vigueur ne sont plus adaptés à leurs fonctions ; l’IMP quitte les lieux et s’installe dans son emplacement actuel à la Pouyade.

La ville de Jonzac achète l’ensemble des immeubles l’année suivante. En 2003, une partie de l’immeuble nord est vendue à la Communauté de Communes de Haute-Saintonge qui y installe son siège. L’aile sud-est est vendue au département de la Charente-Maritime pour établir une antenne des Archives départementales.

Jean-Claude Arrivé

Sources : Délibération du Conseil Municipal de la ville de Jonzac 1880-1998. Extrait de l’exposition faite aux Archives départementales à Jonzac (2007-2008). Interview d’anciennes élèves : Annie Robert et Ginette Texier.


 
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